N° 77 — PREMIER SEMESTRE 2023 du développement social urbain / Crise environnementale et sociale : les quartiers populaires relèvent le défi

En Savoie, choux, pommes de terre, salades et carottes à la sauce solidaire

La crise de la Covid-19 a fourni une illustration criante des limites et carences de nos systèmes alimentaires dont les conséquences auraient été encore plus dramatiques sans l’action de citoyens, d’associations, de collectivités, d’entreprises et d’agriculteurs.
Elle a aussi remis les enjeux de souveraineté et de précarité alimentaires au centre des préoccupations. Pour y répondre, la Fédération des centres sociaux des 2 Savoie (FCS2S) développe,
depuis 2021, le projet des paniers solidaires. Valentin Poncet, chargé de mission
à la FCS2S, nous présente les tenants et les aboutissants de cette action.

Dans les départements de Savoie et de Haute-Savoie, comme partout ailleurs en France, une partie de la population n’a pas les moyens financiers d’accéder à une alimentation de qualité en circuit court. Parmi ces personnes, certaines n’ont pas l’habitude de consommer des produits issus de l’agriculture locale. Et majoritaire- ment, ces populations n’ont pas les ressources matérielles (horaires d’ouverture, temps de préparation des repas...) pour cuisiner et consommer des produits frais.
Partant de ce constat, la Fédération des centres sociaux des 2 Savoie a impulsé le projet des paniers solidaires, en partenariat avec la Caf et la MSA1 Alpes du Nord, et avec le soutien des conseils départementaux et de l’État, à travers le Plan pauvreté. Concrètement, il s’agit de pro- poser à des familles en situation de précarité des paniers hebdomadaires de légumes, produits localement, à un prix modique. Les paniers contiennent entre 12 et 15€ de marchandises et sont proposés aux familles entre 3 et 5 €. Le reste est pris en charge par les financeurs.
En Savoie, ce projet concerne cinq territoires, cha- cun doté d’un centre social (ou espace de vie sociale) : Barberaz, le canton d’Aime-la-Plagne, la Chautagne, Saint-Pierre d’Albigny et le Biollay (quartier prioritaire de Chambéry). En fonction du lieu de distribution, les paniers sont approvisionnés par l’Amap2 locale, les Jardins de Cocagne3 ou des producteurs locaux.
Des recettes et des ateliers
pour accompagner les familles
Au Biollay, le centre social a pris part au projet en janvier 2022 avec la distribution de quinze paniers par semaine. Pour accéder au dispositif, les familles doivent avoir des
enfants à charge, habiter le quartier et posséder un quo- tient familial inférieur à 900 €.
Depuis la mise en place de l’action, le centre social fait face à plusieurs réticences : « La chicorée, je n’en mange pas d’habitude » ; « Quand tu ne connais pas les légumes, tu ne sais pas forcément faire », témoignent des mamans venues récupérer leur panier solidaire. Celles-ci assurent également avoir du mal à convaincre mari et enfants à s’inscrire durablement dans ce projet qui bou- leverse leurs habitudes alimentaires.
Pour lever ces freins, le centre social va bien au-delà de la distribution des paniers en proposant des recettes pour utiliser les légumes et des ateliers cuisine pour apprendre ensemble et échanger sur ses pratiques culi- naires. En fonction des demandes et besoins repérés par les professionnels, d'autres actions sont développées : visites d'exploitations agricoles, ateliers anti-gaspillage, ateliers conserverie, projections-débats...
À la croisée des enjeux sociaux (solidarité alimentaire, soutien à la parentalité), environnementaux (circuits courts), sanitaires (éducation alimentaire), territoriaux (renforcement de la souveraineté alimentaire locale) et économiques (soutien aux agriculteurs), les paniers soli- daires continuent d’essaimer sur le territoire savoyard et comptent bien séduire de plus en plus de familles modestes. l
Valentin Poncet
1. Mutualité sociale agricole.
2. Association pour le maintien d’une agriculture paysanne.
3. Les Jardins de Cocagne sont des chantiers d’insertion qui produisent des fruits et/ou des légumes dans l’optique d’insérer socialement et professionnellement ses salariés. Il y a actuellement 105 Jardins de Cocagne partout en France.